Interview de Dermot Power


Dermot Power a commencé à travailler sur les films de Tim Burton en 2005 avec Charlie et la Chocolaterie en tant que concept designer. Il dessine pleins de variations différents de personnages, de décors et de créatures qui seront ensuite validées (ou non) par le réalisateur puis retravaillées en détails, soit pour être réalisées en vrai (les costumes ou les décors), soit en tant que base pour les effets spéciaux (modélisation 3D). Découvrez son travail, de Charlie et la Chocolaterie à Mercredi, en passant par Alice au Pays des Merveilles, Dark Shadows ou encore Miss Peregrine :


Je suis un concept artiste Irlandais basé à Londres, travaillant surtout sur des grosses productions Hollywoodiennes.

Quel est ton parcours? Comment es-tu devenu concept artiste?

J’ai été illustrateur de comics pendant environ 10 ans avant de me diriger vers le cinéma, à la fin des années 90. Je travaillais principalement pour le magazine hebdomadaire anglais 2000 AD, notamment sur Judge Dredd et Sláine. Une des histoires que j’ai dessiné pour Sláine se passait dans l’univers du Roi Arthur.

Le réalisateur Steve Barron a vu mon travail et m’a demandé de l’aider sur le design des personnages de sa mini-série Arthurienne : Merlin. J’ai enchainé sur une autre mini-série de la chaine Américaine Hallmark Channel, après ça je ne suis jamais revenu aux comics. Au final je suis un artiste de comics assez lent mais un concept artiste très prolifique.

Tu as commencé à travailler sur les films de Tim Burton en 2005 avec Charlie et la Chocolaterie. Comment se passe cette collaboration qui dure depuis plusieurs années maintenant?

Sur Charlie j’ai travaillé pour le chef décorateur Alex McDowell. A l’époque je n’avais pas rencontré Tim Burton mais je pense qu’il a aimé ce que je faisais parce que j’ai été contacté 5 ans après pour Alice au Pays des Merveilles. Il s’est souvenu de mon travail, à défaut de se souvenir de moi. Ensuite j’ai été rappelé régulièrement pour travailler sur ses films, jusqu’à Beetlejuice Beetlejuice. Mais ce dernier a été de courte durée parce que je me suis cassé le poignet.
Je commence souvent à travailler en pré-production quand il y a seulement Tim et le script, c’est là où c’est le plus fun, sans pression.  

Sur Alice au Pays des Merveilles tu a réalisé des concept arts, des retouches de fonds verts, des portraits et des gravures. Quelle est la partie préférée dans l’élaboration d’un film?

La pré-production est le moment où je crée des dessins pour aider Tim à réfléchir à ce que le design pourrait être. Il n’y a pas la pression de trouver le design final. L’idée est de lancer une conversation sur l’esthétique globale plutôt que de figer les choses et réfléchir à comment les réaliser.

Est-ce que tu préfères voir tes œuvres dans les films (comme les portraits et les fresques du palais de la Reine Rouge) ou est-ce que c’est plus stressant pour toi?

Je fais très rarement des dessins qui finissent face à la caméra. Ce n’est pas ce que fait un concept artiste, il fait des illustrations pas du design. Ca ne me gène pas de le faire occasionnellement. C’était amusant de faire les portraits de famille de la Reine Rouge pour Alice. Il n’y avait pas beaucoup de pression parce qu’ils n’allaient pas être montré en gros plan. Au pire on allait les voir rapidement quand Alice court devant. La salle du trône était plus complexe car les plans devaient être plus longs. Mais dans tous les cas, nous voulions que les fresques soient abîmées et patinées, qu’elles se fondent avec le décors.

Illustration du griffon
Plan final du film
Illustration du Jabberwoocky

La plupart du temps, tu utilises un pinceau carré pour tes peintures digitales mais tu te sers également de crayons, d’encre et de peinture. Comment navigues tu à travers toutes ces techniques?

Tout mon travail pour les comic books était fait au crayon, encre et peinture mais pour le cinéma je fais tout en digital. Je n’utilise jamais les techniques traditionnelles de dessin pour faire du concept design, c’est beaucoup trop lent et pas assez adaptable. C’est très facile de revenir sur un concept en digital (inverser l’image, modifier une taille ou changer une couleur…). Mais j’aime peindre avec des outils traditionnels. J’ai d’ailleurs un studio séparé pour ça mais pas pour les films.

Tu as travaillé sur la série Netflix Mercredi. Est-ce que c’est différent d’un film?

Pas vraiment. Les séries actuelles ont des budgets conséquents donc le processus créatif est similaire, même s’il peut être plus rapide. J’ai commencé sur des mini-séries pour Hallmark Channel qui avait justement des gros budgets pour la télévision de l’époque. Mercredi était différent car je travaillais directement pour Tim Burton et pas pour le département artistique, même après que la production ait débutée. Je dessinais de chez moi et j’envoyais tout à Tim Burton. Si un dessin était intéressant ou utile, Tim l’envoyait au chef décorateur Mark Scruton. Je pense que ça l’aidait à réfléchir plutôt qu’à trouver le design final (même si quelques uns de mes concepts ont été réalisés à l’identique comme les canoés).

Tu as dessiné beaucoup de châteaux et de manoirs pour Tim (Alice, Dark Shadows, Peregrine et Mercredi) et tu as également travaillé sur le projet avorté de l’adaptation de Pinocchio par Burton. Ton approche minimaliste semble fonctionner avec son esthétique si particulière. Dans un sens, ses dessins sont aussi minimalistes. Est-ce que tu adaptes ton style ou bien tu choisi ton projet en fonction du réalisateur?

Tim est un artiste donc il est aime voir des illustrations minimalistes. Je pense même qu’il préfère, du moins au début des projets. Au risque de me répéter, les illustrations l’aident à réfléchir au design mais laissent aussi de la place pour les autres artistes qui vont finaliser le concept (ou le changer complètement). Mes concepts n’engagent à rien. Les autres réalisateurs et projets requirent souvent une autre approche. J’adapte ma méthode à chaque projet.
La façon dont je dessine pour Tim est définitivement ma façon préférée de travailler mais je n’ai pas toujours la chance de travailler comme ça.

Est-ce que tu partages tous tes dessins au réalisateur ou tu fais une sélection avant?

Je leur montre tout ! Pour donner le plus d’information possible sur ce que pourrait être le design. La mauvaise option peut être aussi utile que la bonne s’ils m’expliquent pourquoi ce n’est pas la bonne. Comme je le dis souvent, le but du concept artiste est de montrer au réalisateur ce qu’il ne veut pas!

Y a-t-il un film sur lequel tu aurais voulu travailler?

J’ai failli travailler sur Sleepy Hollow. J’ai lu le script et je l’ai trouvé génial mais il y a eu un malentendu à l’époque quand je discutais avec Rick Heinrichs, le chef décorateur. La production ne voulait pas payer un concept artiste supplémentaire mais ils m’ont dit que je pouvais être embauché en tant que storyboarder. J’ai refusé car j’étais nouveau dans l’industrie à l’époque et je ne me rendais pas compte que je pouvais être embauché en tant que storyboarder mais faire du concept art quand même. Donc je pense toujours à Sleepy Hollow comme le film qui m’a échappé. .

Un grand merci à Dermot pour avoir partagé sa passion avec nous !

English Version

I am an Irish concept artist based in London, working mostly on big budget  ‘Hollywood’ movies. 

What is your background? How did you end up concept artist?

I was a comic artist for ten years before moving over to film in the late 90s. Most of my work was for British anthology 2000 AD working on Judge Dredd and Sláine. One of the Sláine stories I drew was set in the world of King Arthur

The director Steve Barron saw it and asked me to contribute some character designs for the Arthurian TV mini-series Merlin.  I moved on to another Hallmark TV mini-series  after that  and then never went back to comics. Turns out I am a very slow Comic artist but a very fast concept artist.

You started to work on Tim Burton’s movies back in 2005 with Charlie and the Chocolate Factory. How’s the collaboration going so far and how does it evolve?

I worked on Charlie and the Chocolate Factory for the production designer Alex McDowell. I never met Tim on that show but I think he liked my work so when I got the call to come work on Alice in Wonderland five years later it was because he remembered my work (as opposed to remembering me).  I got asked back to work on several of his films in the years since all the way up to Beetlejuice Beetlejuice. My time on Beetlejuice was cut short when I broke my wrist. I often start in pre-production when there is just Tim and the script which is great fun. Zero pressure. 

On Alice in Wonderland, you did concept arts, keyframes over green screen, portraits and ink drawings. What is your favorite part in a movie process? 

Pre-production where I am producing artwork to help Tim think about what the designs might be. There is no pressure to get the designs right- it’s all about generating a conversation about the design and not about what it will actually look like or how we can get it on to the screen. 

Do you prefer to see your work in the final result (as for the portraits and murals) or is it more stressful?

I very rarely do artwork that ends up on screen. It’s not what a concept artist does because it is not ‘design’ it is illustration. I don’t mind doing it occasionally – and it was fun doing the Red Queen’s relatives for the palace walls for Alice in Wonderland. There wasn’t much pressure because they weren’t going to be featured too closely. At most we would get a quick glance as Alice ran past them. The throne room was more difficult as it was potentially going to be in a long extended shot. However the look we were going for was to have the murals faded and weathered so they were quite vague in the background. They were featured but not very prominent. 

Most of the time, you are using a square brush for digital paintings. But you’re also using pencil, ink and paint. How you navigate between all the technics?  

All my comic book work was pencil ink and paint but all my films work is digital. I never use traditional materials for doing film concept design as it is way too slow and not adaptable enough for the design process. It is very easy to change a digital design – flip it or resize parts or change colours etc. I love painting with traditional materials and have a separate studio dedicated to that side of my work but not for film.

You also worked on Wednesday Netflix Show. Is it different than working on a movie?

Not really, TV these days have very high budgets and so the design process is about the same although often faster. I started out doing TV miniseries for Hallmark which were the big budget TV of that era. Wednesday was an unusual set up in the I was working directly for Tim Burton and not for the art department even when the  production started. I was working from home and sent that work to Tim – if any of it was useful Tim sent it to the Production Designer Mark Scruton. I think it was helping him think and not really about doing final designs (although some stuff was exactly what I designed like the boat race canoes.)

You drew lots of manors/castels for Burton (Alice, Dark Shadows, Peregrine and Wednesday) and you also worked on the cancelled Tim Burton’s Pinocchio project. Your minimalist approche seams to work well with Tim Burton aesthetic. In a way, he is also minimal in his drawings too. Do you adapt your style or do you choose projects based on the director?

Tim is an artist so is very happy to read minimalist illustrations. I think he might prefer it, at least at the beginning of a project. I’m in danger of repeating myself but the illustrations help him think about the design but leave plenty of room for the other creatives in the chain to finalise them (or more likely completely change them). They are non-committal concepts. Other directors and other projects often require a different approach. I tailor my process to the individual project. The way I draw for Tim is definitely my favourite way to work but I don’t always get a chance to work like that. 

Do you share all your drawings to the director or you do a selection before?

I show them everything… it’s all to get information about what the design might be. The wrong design is almost as useful as the right design as long as they can tell you why it’s wrong. As I’ve said many times the job of a concept artist is to show the director what they don’t want!

What movie would you have loved to work on?

Sleepy Hollow. I almost did, and read the script which I thought was fantastic. But there was some mix up at the time I was talking to the production designer (Rick Heinrichs). Production didn’t want to pay for another concept artist so they said I could only be hired as a storyboard artist. I turned it down – I was new to the industry and didn’t realise that I would have been hired as a storyboard artist but used as a concept artist.  So I always think of Sleepy Hollow as the movie that got away.

A big thank you to Dermot for sharing his passion with us !