
Interview de Sandy Cameron
Découvrez le parcours de Sandy Cameron, violoniste de génie qui a inspiré Danny Elfman et envoûte le public avec des solos endiablés. De ses études de musique classique aux ciné-concerts de L’Etrange Noël de Mr Jack, Sandy nous parle de ses inspirations et de son rapport au cinéma de Tim Burton.

Je suis une musicienne classique qui aime “sortir des sentiers battus”. Ma passion a toujours été la musique savante occidentale (ou “musique classique”), mais je mets un point d’honneur à élargir mon horizon avec des expériences au-delà des normes de l’industrie de la musique classique. La plupart des gens me connaissent pour les différents projets que j’ai réalisés avec Danny Elfman.
Mon éducation musicale a commencé les week-ends quand j’étais à la Juilliard School de New-York dans la section pré-universitaire. J’y ai étudié le violon avec mon mentor Lewis Kaplan, dont l’apprentissage inspiré m’a ouvert les yeux sur la connexion entre la musique, l’histoire, la littérature et les arts visuels. Il m’a appris à explorer la musique au-delà du cadre du violoniste car elle englobe toute l’humanité. Puis je suis allé à l’Université d’Harvard où j’ai pu continuer mes études académiques de musique en même temps que celles d’interprétation et j’ai reçu ma maîtrise du Conservatoire Anglais de New-York.

Nous étions à Londres lorsque Danny Elfman est retourné sur scène pour son concert Danny Elfman’s Music from the Films of Tim Burton au Royal Albert Hall en 2013. Comment es-tu arrivée sur ce projet plus tard?
Après la première Londonienne, Danny sentait qu’il lui manquait quelque chose en plus pour ce spectacle. Avec l’arrivée de la première Américaine à Los Angeles un peu plus tard dans le mois (le 29 octobre 2013), Danny voulait que ce nouvel élément soit excitant, inattendu et spécial ; tout en restant cohérent, relativement facile à ajouter et à transporter d’une date à une autre. Comme nous avions déjà travaillé ensemble quelques années auparavant, Danny a eu l’idée d’écrire un long solo de violon que je pouvais jouer pendant la suite sur Edward aux Mains d’Argent. Quand il m’a contacté pour me proposer l’idée et savoir si j’étais intéressée, j’ai accepté avec grand plaisir. J’ai eu l’honneur de participer à la première Américaine du concert et reconnaissante d’avoir pu continuer cette expérience lorsque la tournée mondiale a commencé en 2014.

Le public français t’a découvert en 2015 sur la scène du Grand Rex, puis en 2017, 2019 et 2024. Tu participes également au concert live de L’Etrange Noël de Mr Jack, créant un moment magique au milieu du spectacle. Tu as même un styliste qui créait des looks inspirés des films de Burton. Quelle est ta relation avec l’univers de Tim Burton?
Ma relation avec son univers a débuté lorsque j’ai commencé à collaborer avec Danny Elfman. Avant de le rencontrer et de travailler avec lui, je n’étais pas très familière avec le travail de Tim, mais j’ai rapidement été fascinée par ses films et son talent. La musique arrive toujours en premier chez moi, mais un des plaisirs de jouer dans les concerts de Danny Elfman est d’être immergé dans l’univers créatif de Tim Burton. Ses personnages et leurs esthétiques sont pleins de nuances, de compassion et de spécificités. Pouvoir se connecter à tous ces aspects via la musique et les concerts de Danny est quelque chose que j’apprécie énormément.
J’ai la chance incroyable de pouvoir collaborer avec mon propre styliste (“Designs by Meei” avec qui je travaille depuis des années), qui a dessiné et créé les costumes que je porte sur le concert-live de L’Etrange Noël de Mr Jack et sur le concert Danny Elfman’s Music from the Films of Tim Burton.


En 2017, Danny Elfman a conçu pour toi un concerto pour violon : Eleven Eleven. Comment s’est déroulée la collaboration avec lui et John Mauceri, chef d’orchestre depuis le début? Est-ce que c’était la première fois que quelqu’un composait spécialement pour toi?
Cette collaboration a été pour moi l’expérience la plus précieuse et bouleversante de ma vie. C’était la 3ème fois que Danny composait une œuvre spécialement pour moi (la première était une pièce en collaboration avec le Cirque du Soleil et la deuxième était le solo d’Edward aux Mains d’Argent pour son spectacle Danny Elfman’s Music from the Films of Tim Burton). Mais pour le coup, c’était le projet le plus ambitieux que nous ayons fait ensemble. Danny et moi avons pris du temps sur d’autres projets pour pouvoir nous concentrer sur la création d’Eleven Eleven. Pendant les mois où il composait, j’allais à son studio plusieurs fois par semaine (parfois tous les jours) pour travailler avec lui. De temps en temps je m’asseyais même avec lui lorsqu’il composait certaines parties de la musique. Nous avons discuté, non seulement des parties de solo de violon, mais également du cheminement musical complet et comment les différents thèmes pouvaient fonctionner ensemble. C’était une expérience tellement unique et gratifiante d’être “dans l’atelier” de cet immense compositeur lorsqu’il écrivait. De temps en temps, il me demandait d’improviser quelque chose par rapport à un mouvement qu’il avait créé pour qu’il se fasse une meilleure idée de l’amplitude que pouvait avoir le violon sur un tel morceau.

C’était aussi très important d’avoir le Maestro John Mauceri dans l’aventure. Bien qu’il n’était pas impliqué tous les jours, il était consulté pendant le processus d’écriture sur des questions logistiques d’orchestration et il partageait ses idées après avoir écouté de longs extraits de musique. Certains éléments clés de Eleven Eleven existent grâce à ses retours !
Quelles sont les différences entre un concert de musique classique et un ciné-concert? Quelles sont tes parties favorites de chaque?
La première différence est bien sûr le film. La musique dans un concert classique a été écrite uniquement pour la musique, là où la musique d’un ciné-concert existe pour les besoins spécifiques du film.
Même si mon premier amour est la musique classique, j’aime autant jouer dans un concert classique qu’un ciné-concert. J’aime les concerts classiques parce que la musique n’obéit à personne. Comme elle n’existe que par elle-même, elle est indépendante et donc tout le monde peut s’y reconnaître de façon très personnelle. Pour moi, les concerts classiques peuvent être transcendants, une aventure au-delà du corps et de l’esprit.

Avec la musique de films, parce que la musique existe spécifiquement pour représenter le genre du film, son rôle est très différent, ce qui rend son but différent dans un concert également. La chose fascinante avec les films (surtout les bons films) c’est qu’ils instaurent, avec l’aide d’une bande originale de qualité, des sentiments très intenses et arrivent même à nous faire croire que nous vivons les expériences que nous voyons à l’écran tout en restant en sécurité. Les ciné-concerts sont comme un parc d’attraction fait de souvenirs et de sentiments, mais en HD grâce à l’orchestre live. C’est une “réalité virtuelle” en elle-même et j’adore me plonger dans cet univers.
Quelles sont tes inspirations et références musicales personnelles?
J’ai plusieurs sources d’inspiration majeures mais peut-être que la plus grande de toutes est le film Fantasia (1940) de Disney. C’est la rencontre parfaite de la narration visuelle et de la musique classique et ça m’a semblé évident dès la première fois où je l’ai vu à l’âge de 4 ans. La musique classique m’a toujours parlé, elle a fait sens pour moi depuis toute petite et en voyant Fantasia, je me suis sentie comprise. Même après avoir étudié la musique en général, je suis toujours revenu à ce chef-d’œuvre d’animation parce qu’il m’a connecté à la musique de la manière dont j’ai toujours pensé que la musique classique pouvait se connecter à nous.
Je me suis souvent inspirée de l’opéra quand j’étais jeune musicienne. J’ai toujours été fascinée par le lien entre la musique et la narration. Entant donné les grandes similitudes entre l’opéra et les films, travailler avec des compositeurs dans l’industrie du cinéma semblait m’être prédestiné. J’adorais les opéras de Mozart étant petite mais n’importe quel opéra, comme un film, explore la condition humaine et c’est encore mieux lorsque la musique est de qualité.


L’un de mes plus grands modèles est la poétesse Maya Angelou. C’est d’ailleurs ma principale source d’inspiration quand il s’agit d’interprétation. J’ai toujours adoré ses écrits et j’ai eu la chance de la rencontrer en personne quand j’avais 11 ans. Elle est venue à mon école, a parlé avec ma classe et a récité quelques-uns de ses poèmes. Sa façon d’interpréter la poésie était à la fois très musicale et dramatique. Je n’oublierai jamais cette expérience. J’étais sur le point de prendre mon avenir musical au sérieux et lorsque je l’ai vu, je me suis dit : “un jour je ferai comme elle”.
Un immense merci à Sandy pour avoir partagé sa collaboration avec Danny Elfman et sa carrière de violoniste incroyable !